Constanze Binder, Agency, Freedom and Choice

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Over the last forty years, the debate between the choice of a value-neutral approach and a value-based approach to measure overall freedom has been important in the philosophical literature on freedom. The question is whether the value attributed to particular freedoms (i.e. freedom of conscience, freedom of expression, freedom to practice a religion, freedom to leave one’s country, etc.) can be accounted for in the measurement of overall freedom. This is the starting point of Constanze Binder in her book Agency Freedom and Choice. She tries to participate in this debate and shows that whether particular freedoms can contribute to the agency value of a person’s freedom (at a given point in time) depends on that person’s system of value and goals.

Binder, an associate professor at the Erasmus University Rotterdam, is specialized on the philosophy of economics with a focus on the analysis of freedom, responsibility and distributive justice, and the ethics of individual and collective decision making in politics and economics. Her book presents a multidisciplinary analysis that seeks to understand the increase or decrease of freedom, to find out if there is a way to compare diverse social states concerning the freedom that people have in them, and to determine the way in which one social agreement can promote more freedom than another. The fact that Binder uses different fields (philosophical literature on freedom, freedom ranking literature and the capability approach) allows her to enrich the study of freedom’s agency value…


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Alice Le Goff, Introduction à Thorstein Veblen

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« Avez-vous lu Veblen ? » interrogeait en 1970 Raymond Aron, dans sa Préface à l’édition française de The theory of the leisure class (1970). Plus de cent vingt ans après la publication de l’ouvrage qui a assuré une certaine notoriété à Veblen aux États-Unis, la question mérite encore d’être posée de ce côté-ci de l’Atlantique, tant il est vrai que la réponse n’a toujours rien d’évident. De fait, comme le souligne Alice Le Goff en ouverture de son livre, « Thorstein Veblen [1857-1929] est une figure importante mais méconnue, dans le contexte francophone, de l’histoire des sciences sociales » (3). Introduction à Thorstein Veblen ne vise pas tant à interroger ce paradoxe qu’à contribuer à le dépasser en proposant au lecteur francophone une synthèse et mise en perspective de l’œuvre de Veblen à même d’en éclairer la richesse et l’originalité. Son autrice est Maître de conférences en philosophie à l’université Paris Descartes, membre du Cerlis (UMR 8070) et membre junior de l’Institut Universitaire de France. Ses recherches s’inscrivent principalement dans le champ de la philosophie sociale et politique – en prenant notamment comme objet les formes contemporaines de démocratie et les discours de la démocratie radicale – et celui de l’épistémologie des sciences sociales.
La lecture que Le Goff propose de l’œuvre de Veblen porte la marque de ce double ancrage disciplinaire (4). L’ouvrage a d’abord pour ambition de proposer une lecture du système de pensée véblénien comme expression « d’une science sociale unique » relevant tout à la fois de l’économie, de la philosophie, de l’anthropologie, de la sociologie et de la psychologie…


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Pierre Livet et Bernard Conein, Processus sociaux et types d’interaction

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Replacer les types d’interactions au cœur des sciences sociales, voilà le beau projet du philosophe Pierre Livet et du sociologue Bernard Conein. A l’encontre d’une conception statique des rapports sociaux, qui repose sur des abstractions analytiques ou statistiques, l’approche qu’ils proposent vise à saisir la « dynamique concrète de la vie sociale ». Cette proposition est d’ordre ontologique : par-delà leur apparente hétérogénéité, des « êtres » sociaux aussi divers que les conversations, les communautés épistémiques, les émotions collectives, les institutions et les rituels partagent le même mode d’existence. Ils sont tous des processus d’inter-actions.
Axée sur les processus, nécessairement mouvants et partiellement indéterminés, une telle approche ne se heurte pas, contrairement aux sociologies de la structure, à l’énigme du changement. Le problème qu’elle doit résoudre est au contraire celui de la constance, de la persistance et de la stabilité d’une société. Comment, en effet, une société peut-elle se développer et se maintenir si elle repose entièrement sur des processus ? La réponse que proposent Livet et Conein est double. D’une part, les processus sont inter-reliés dans des maillages, des interférences et des enchâssements que leur renforcement mutuel rend durables et résistants. D’autre part, les processus sont suffisamment flexibles pour pouvoir s’ajuster aux variations et aux « virtualités » de leur environnement afin de s’adapter aux réactions en partie imprévisibles des individus qui les actualisent…


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Thierry Ménissier, Innovations – une enquête philosophique

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Avec l’innovation, à n’en pas douter l’un des mots aujourd’hui les plus chargés de valeurs positives de la langue française, ne sommesnous pas devant une injonction intimidante qui paraît traverser tous les aspects de la vie sociale : l’économie bien sûr, mais aussi le champ politique, technologique ou même philosophique ? Peu importe que l’on soit financier, politique, littéraire ou scientifique, ce qui compte ne serait-ce pas de faire montre, à tout prix, de sa capacité à innover ?
Le problème c’est que le domaine propre de l’innovation ne se laisse pas si facilement délimiter. En premier lieu dans la mesure où on peine à le distinguer d’autres mots assez proches, comme la création ou l’invention, ou même l’imagination. En second lieu car on ne sait pas vraiment bien dire si l’innovation est au fond l’introduction dans le monde d’un procédé radicalement inédit, ou s’il correspond plutôt au renouvellement de quelque chose qui existe déjà, comme à l’état de latence, mais dont il conviendrait de modifier un point du dispositif général afin de lui permettre de se synchroniser à de nouveaux usages, et à de nouvelles routines. On soupçonne d’ailleurs dans les deux cas un abus de langage, pour mieux distinguer au final, derrière le vocable, un mot d’ordre de la société d’aujourd’hui qui permette de distinguer seulement deux catégories d’acteurs : les innovateurs d’un côté et, de l’autre, celles et ceux auxquels on ne peut attribuer ce label. Popularité étant promise aux premiers, et perte plus ou moins assurée aux seconds…


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Pascal Glémain, L’économie Sociale et Solidaire : De ses fondements à son « à venir »

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L’ouvrage de Pascal Glémain se présente comme le travail universitaire d’un gestionnaire nourri d’une solide expérience pratique des organisations de l’économie sociale et solidaire. Il constitue une bonne mise au point sur la question de la nature et des frontières de l’ESS suite à la loi n°2014-856 du 31 juillet 2014. Cette loi relative à l’économie sociale et solidaire a permis en France la reconnaissance de l’entreprise sociale (social business) qui se caractérise par des modes d’interventions sociales plus innovants, le développement d’une forme d’entrepreneuriat à finalité sociale en réponse à la crise de l’Etat-Providence, le développement de ressources commerciales pour les associations et plus largement par l’hybridation des ressources. Le développement de l’entrepreneuriat social a par ailleurs été accompagné par l’introduction de pratiques managériales issues des entreprises capitalistes, qui pour certaines sont volontairement mises en place par les entrepreneurs sociaux, mais qui pour d’autres sont induites par des dispositifs de politiques publiques issues du new public management. Tout au long de l’ouvrage nous sommes invités en particulier à penser l’économie sociale comme une économie qui dès l’origine s’encastre non seulement dans le social mais également dans des dynamiques territoriales singulières. Il s’agit en particulier de s’interroger sur la façon d’envisager la coopération dans les décisions de financement entre les différents acteurs de l’écosystème entrepreneurial d’un territoire…

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Claude Gamel, Esquisse d’un libéralisme soutenable

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Publié en 2021, l’ouvrage que nous allons étudier, Esquisse d’un libéralisme soutenable, est l’aboutissement de nombreuses et fructueuses années de recherche de Claude Gamel en philosophie économique, et plus spécifiquement dans le domaine de la justice sociale. Il vise, in fine, à offrir des fondements économiques au courant de l’égalitarisme libéral, issu des travaux de Rawls, et paraît aux Presses Universitaires de France dans la collection « Génération Libre », dirigée par Gaspard Koenig (président du think-tank libéral du même nom, défenseur du revenu de base et candidat à l’élection présidentielle française pour le mouvement Simple), dont le but avoué est la diffusion en France d’une pensée libérale renouvelée et adaptée aux enjeux économiques, politiques et sociaux contemporains. Dans la préface de l’ouvrage, rédigée par le directeur de collection, celui-ci fait deux remarques qui, à notre sens, sont tout à fait justes. La première est que Hayek, l’un des auteurs auxquels se réfère le plus Gamel dans son ouvrage, « déplorait l’absence d’une “utopie libérale” » (p. 7). En effet, dans un article datant de 1949, Hayek soulignait déjà la nécessité de formuler une telle utopie : “Ce qui nous manque, c’est une Utopie libérale, un programme qui ne soit ni une simple défense des choses telles qu’elles sont, ni un socialisme dilué, mais un radicalisme véritablement libéral qui ne ménage pas les susceptibilités des puissants… qui ne soit pas trop sévèrement pratique, et qui ne se limite pas à ce qui apparaît aujourd’hui comme politiquement possible…

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La culture de la croissance. Les origines de l’économie moderne, Joel Mokyr

Dans cet ouvrage, qui rassemble le fruit des conférences « Joseph Schumpeter » données par Mokyr à Graz en novembre 2010, Mokyr se penche sur les raisons de l’exceptionnelle croissance économique européenne et offre une position originale en faisant porter le poids de cette exemplarité non pas tant sur les institutions ou les innovations qui la sous-tendent que sur la nature de la culture européenne. Comment le changement culturel qui s’est produit en Europe sur la période 1500-1700 permet-il d’expliquer l’exceptionnelle croissance économique de l’économie moderne. Cette situation est le fait d’entrepreneurs culturels [cultural entrepreneurs] qui furent suffisamment influents pour changer le menu culturel et persuader une foule d’individus d’adopter leur variante culturelle. Nous reviendrons dans cet article sur l’origine de la thèse de Mokyr avant d’en souligner les arguments principaux. Ce faisant, nous interrogerons la définition de l’entrepreneur culturel proposée par Mokyr et nous dresserons un parallèle avec la littérature sur l’entrepreneuriat et l’entrepreneuriat culturel plus particulièrement tout en mettant en perspective la thèse de Mokyr.

La thèse de Mokyr présentée dans l’ouvrage A culture of Growth est l’aboutissement d’un ensemble de travaux réalisés sur les origines de la croissance économique moderne. Une première version de la thèse de Mokyr a été publiée en 2005 dans The Journal of Economic History sous le titre The Intellectual Origins of Modern Economic Growth

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Walter Eucken, entre économie et politique, Patricia Commun et Raphaël Fèvre

Depuis la publication en 2004 des cours de Michel Foucault au collège de France (Foucault 2004), l’intérêt pour l’ordolibéralisme ne faiblit pas. Régulièrement convoqué aussi bien dans le débat public que dans la sphère académique (Dardot et Laval 2009), ce courant de pensée incarne une certaine tradition de politique économique initiée en Allemagne après la seconde guerre mondiale et connue pour avoir exercé (et continuer d’exercer) une influence dans la conduite des politiques économiques de l’Union européenne. Tantôt encensé comme modèle de réussite économique à l’allemande (Weisz 2001), tantôt vilipendé comme « cage de fer » pour l’Europe (Denord et al. 2015), l’ordolibéralisme cristallise et exacerbe bien souvent les clivages politiques, au prix hélas de fréquentes confusions théoriques. Ainsi en va-t-il par exemple des raccourcis souvent effectués entre les politiques de libéralisation des services publics ou les mesures de rigueur budgétaire et l’ordolibéralisme, dont l’apport est parfois surestimé.

C’est dire tout l’intérêt qu’éprouveront les lecteurs curieux de ces débats contemporains à lire l’ouvrage que consacrent Patricia Commun et Raphaël Fèvre à la principale figure historique de l’ordolibéralisme, Walter Eucken. À rebours des polémiques et des amalgames entre les différentes versions du néolibéralisme, les auteurs nous livrent ici des développements inédits, à partir d’un article original directement traduit de l’allemand, permettant de cerner avec une rigueur et une justesse bienvenues ce qui constitue le cœur et la spécificité du programme ordolibéral…

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Dictionnaire des biens communs, Marie Cornu, Fabienne Orsi, Judith Rochfeld (dir.)

(Paris, PUF, 2017)

Comment définir un recueil de définitions ? Autrement dit, qu’est-ce qu’un dictionnaire ? En français, le mot dictionnaire est relativement récent (vers 1501) ; il est issu du latin médiéval dictionarius, venant lui-même du latin classique dictio, -onis (« action de dire, propos, discours »), avec le suffixe locatif -arium. L’espagnol diccionario (début xvie siècle) et l’italien dizionario (dittionario, 1568) ont – manifestement – la même origine. En parcourant (en ligne) le dictionnaire Le Larousse, nous trouvons quelques lignes largement partagées : « ouvrage didactique constitué par un ensemble d’articles dont l’entrée constitue un mot, indépendants les uns des autres et rangés dans un ordre déterminé, le plus souvent alphabétique ». Si on veut rester fidèle à cette définition, il faut reconnaître que le Dictionnaire des biens communs, ouvrage coordonné par Marie Cornu, Fabienne Orsi et Judith Rochfeld, n’est pas vraiment un dictionnaire, ni un vocabulaire ou un lexique ; il s’agit plutôt d’un instrument utile, un « outil critique », pour naviguer à travers l’univers riche et complexe des communs dans toutes leurs dimensions. En effet, le titre que les trois spécialistes avaient proposé au départ était Dictionnaire critique des communs ; c’est l’éditeur qui a décidé de mettre en relief la notion de « bien commun » afin de s’adresser à un public plus large. Comme il est écrit dans l’Introduction, le terme de bien commun risque cependant de dissimuler la complexité des questions soulevées…

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Critique of Mainstream Austrian Economics in the Spirit of Carl Menger. Antal Fekete

(Pintax cvba, 2017)

Le livre rassemble des conférences données par le Professeur Anton Fekete en septembre 2012 à Munich à la New Austrian School of Economics. Le livre est court, une centaine de pages pour le cœur du texte et une vingtaine de pages supplémentaires pour l’avant-propos de l’éditeur, l’index et la table des matières. Le texte comprend 21 chapitres et une annexe. Le titre choisi est quelque peu trompeur. En fait, Fekete propose une discussion sur les idées de Ludwig von Mises dans la perspective de Carl Menger (1981). La principale référence retenue pour Mises est Human Action (1998). Le but est d’améliorer les concepts de Mises ; la critique aborde certains aspects de Human Action afin d’offrir des solutions dans une perspective mengerienne. Fekete admire visiblement Mises et sa vie présente des similitudes avec celle de Mises. Ainsi, ils ont chacun fui un régime totalitaire pour sauver leurs vies et ont vécu en exil.

Néanmoins, il s’agit d’une véritable critique des travaux de Mises. L’intérêt du livre est double. D’abord, il n’existe que très peu de livres présentant Mises de manière concise. Celui de Percy Greaves Mises Made Easier (1990) vient à l’esprit, mais il était conçu pour aider l’étudiant à lire Human Action. Il est donc très lié au texte et au contexte original. Ce livre présente une perspective différente et offre une discussion de problèmes contemporains avec un vocabulaire actuel. Par exemple, la crise du logement et les problèmes monétaires de la Vienne des années 192…

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