Depuis la publication en 2004 des cours de Michel Foucault au collège de France (Foucault 2004), l’intérêt pour l’ordolibéralisme ne faiblit pas. Régulièrement convoqué aussi bien dans le débat public que dans la sphère académique (Dardot et Laval 2009), ce courant de pensée incarne une certaine tradition de politique économique initiée en Allemagne après la seconde guerre mondiale et connue pour avoir exercé (et continuer d’exercer) une influence dans la conduite des politiques économiques de l’Union européenne. Tantôt encensé comme modèle de réussite économique à l’allemande (Weisz 2001), tantôt vilipendé comme « cage de fer » pour l’Europe (Denord et al. 2015), l’ordolibéralisme cristallise et exacerbe bien souvent les clivages politiques, au prix hélas de fréquentes confusions théoriques. Ainsi en va-t-il par exemple des raccourcis souvent effectués entre les politiques de libéralisation des services publics ou les mesures de rigueur budgétaire et l’ordolibéralisme, dont l’apport est parfois surestimé.
C’est dire tout l’intérêt qu’éprouveront les lecteurs curieux de ces débats contemporains à lire l’ouvrage que consacrent Patricia Commun et Raphaël Fèvre à la principale figure historique de l’ordolibéralisme, Walter Eucken. À rebours des polémiques et des amalgames entre les différentes versions du néolibéralisme, les auteurs nous livrent ici des développements inédits, à partir d’un article original directement traduit de l’allemand, permettant de cerner avec une rigueur et une justesse bienvenues ce qui constitue le cœur et la spécificité du programme ordolibéral…