Thierry Ménissier, Innovations – une enquête philosophique

Ghislain Deslandes

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Avec l’innovation, à n’en pas douter l’un des mots aujourd’hui les plus chargés de valeurs positives de la langue française, ne sommesnous pas devant une injonction intimidante qui paraît traverser tous les aspects de la vie sociale : l’économie bien sûr, mais aussi le champ politique, technologique ou même philosophique ? Peu importe que l’on soit financier, politique, littéraire ou scientifique, ce qui compte ne serait-ce pas de faire montre, à tout prix, de sa capacité à innover ?
Le problème c’est que le domaine propre de l’innovation ne se laisse pas si facilement délimiter. En premier lieu dans la mesure où on peine à le distinguer d’autres mots assez proches, comme la création ou l’invention, ou même l’imagination. En second lieu car on ne sait pas vraiment bien dire si l’innovation est au fond l’introduction dans le monde d’un procédé radicalement inédit, ou s’il correspond plutôt au renouvellement de quelque chose qui existe déjà, comme à l’état de latence, mais dont il conviendrait de modifier un point du dispositif général afin de lui permettre de se synchroniser à de nouveaux usages, et à de nouvelles routines. On soupçonne d’ailleurs dans les deux cas un abus de langage, pour mieux distinguer au final, derrière le vocable, un mot d’ordre de la société d’aujourd’hui qui permette de distinguer seulement deux catégories d’acteurs : les innovateurs d’un côté et, de l’autre, celles et ceux auxquels on ne peut attribuer ce label. Popularité étant promise aux premiers, et perte plus ou moins assurée aux seconds…


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